Cela a déjà fait le tour de la communauté des détenteurs d’armes : une journaliste recherche des personnes de notre milieu pour qu’ils participent à un reportage télé sur les Français armés dans un contexte d’insécurité. J’ai été en contact avec elle, d’autres n’ont pas donné suite.

Et ce n’est pas étonnant.

Car immédiatement cela nous remémore de biens mauvais souvenirs : Envoyé Spécial en 2022 sur les Français qui s’arment. Ygreq Idraless -jeune tireur sportif, guntubeur et militant de l’ARPAC- apparaît dans le reportage. Ses armes détenues à titre sportif sur le lit, il explique que le rétablissement du port d’armes renouerait le lien de confiance entre les citoyens et l’État. Après la diffusion : perquisition, saisie de ses armes, inscription au fichier des interdits d’armes.

Depuis cet été là, nous avons cette épée de Damoclès au dessus de nos têtes : si un détenteur exprime lors de son audition administrative, ou publiquement, l’idée de détourner sa détention d’armes à titre sportif pour sa défense personnelle, la survie ou la formation tactique, il perdra à minima la possibilité d’autorisation de détention d’armes de catégorie B.

Beaucoup de militants pour le rétablissement du port d’armes sont détenteurs à titre sportif et sont ainsi poussés à l’autocensure de peur qu’on détourne leurs propos. À titre personnel j’ai dû dépublier une trentaine de vidéos dans lesquelles on aurait pu me reprocher de faire le lien défendu. Interdit. Tabou.

La parole sur les problèmes d’insécurité et la solution armée pour y faire face -irremplaçable pour le citoyen victime d’une agression- a ainsi été mécaniquement restreinte sans même avoir l’air d’y toucher. Bravo. Bien joué.

Alors, quand vient un journaliste qui recherche des images, il se retrouve confronté à un mur de refus.

On peut se dire qu’il ne faut pas pratiquer la politique de la chaise vide : de toute façon le reportage se fera avec ou sans les bonnes personnes. Les bonnes personnes étant celles qui ne font pas la confusion entre la détention à titre sportif et la volonté d’avoir les moyens légaux et concrets de se défendre. Ce qui ne veut pas dire non plus jouer l’aveugle et nier la réalité : les armes sont des objets qui par nature servent à attaquer ou à se défendre.

Ma position est celle-ci : soit on s’adresse à moi en tant que tireur de loisir et je ne suis de facto pas intéressé pour participer à ce genre de reportage, soit on s’adresse à moi en tant que militant pour le rétablissement du port d’armes et il est de facto pas question d’y amalgamer ma détention d’armes au titre du sport, ni de montrer mes armes ou tirer dans un stand de tir agréé par la Fédération Française de Tir alors que le sujet est la défense.

Mais voilà, l’expérience nous a appris que le journalisme des médias grand public n’est plus à proprement parler une investigation pure et dure : bien souvent le scénario est déjà écrit à l’avance et on vient couper des images, pour les coller au script préétabli et « monter un sujet » qui fera de l’audience.

Ce n’est jamais notre reportage, c’est le leur.

Il y aura, peut-être, dans ce reportage là les grands classiques auxquels nous sommes habitués : l’anonyme qui dit porter une arme illégalement, la personne qui détient légalement des armes mais qui n’est pas au fait des risques qu’elle encoure si jamais elle est poussée à naïvement, et honnêtement, évoquer le sujet de la défense, l’armurier qui parle de l’engouement pour les moyens alternatifs de défense. On parlera bien entendu de l’épouvantable insécurité en France, il y aura le représentant de l’État, peut-être qu’il sera évoqué tel démantèlement de trafic de groupuscule d’extrême droite ou gauche ou tel supposé « arsenal de guerre » d’un collectionneur, on parlera peut-être aussi de la racaille qui s’entre-tue à la kalashnikov quotidiennement. Bref, tout ça pourrait être mélangé, amalgamé, lié artificiellement pour faire du gun porn et faire trembler les ménages… Le tout au possible détriment des citoyens honnêtes détenteurs d’armes.

Cette situation est complètement anormale. Nous devrions pouvoir parler en tant que citoyens des sujets qui nous préoccupent sans crainte : ni de déformation, ni de rétorsion. Nous devrions en tant que citoyens pouvoir être armés pour notre défense autonome et individuelle. Le vrai sujet de la question des armes en France est là, dans le fait que cela ne soit pas possible. Le mur de refus qui se trouve sous le nez des journalistes est la démonstration même que le fond du sujet de l’accès aux armes n’est pas les citoyens voulant légitimement s’armer pour faire face à l’insécurité, mais le fait qu’on les restreigne ou qu’on les utilise à leur détriment !

Mais les journalistes le verront-ils ?

Sauront-ils questionner la légitimité de cette situation ubuesque auprès de ceux qui en sont responsables, et aussi se questionner eux-mêmes ?

Nous ne le saurons que le jour de la diffusion, mais j’ai bien peu d’espoir.

Il ne faut ni participer à l’hypocrisie, ni se cacher, parce qu’il n’y a aucune raison légitime de devoir le faire. Mais conjuguer les deux n’est pas un exercice facile ni sans danger aujourd’hui pour un détenteur d’armes. Alors soutenez l’UFA pour défendre nos droits, soutenez l’ARPAC pour en acquérir de nouveaux, soutenez ceux qui vous représentent le mieux, mais avant tout : soyez l’acteur et le promoteur de votre propre histoire. Ne vous laissez pas voler votre image.

C’est grâce à nous-mêmes, grâce aux réseaux, que renaît la culture des armes et du tir en France aujourd’hui, et de la même manière que renaîtra à terme le droit aux moyens réels de se défendre, seule vraie légitimité de posséder une arme.

Vous seul, êtes le dépositaire de cet avenir.